Pour Max Weber, la force de l’État moderne repose sur la coexistence de ces deux groupes : d’un côté, la bureaucratie rationnelle, produit d’un processus séculaire, animée par une abnégation et un dévouement quasi aveugle au service de l’efficacité étatique ; de l’autre, les élites politiques agissant à la fois comme acteurs et médiateurs du pouvoir au nom de la population, et assurant donc la légitimité de ce nouveau pouvoir étatique auprès de celle-ci. C’est l’interdépendance antagoniste des deux qui assure l’équilibre étatique moderne. La bureaucratie sans les acteurs politiques, c’est le Château de Kafka, à savoir une gestion des ressources ne prenant pas en compte les demandes de la population. Inversement, le pouvoir politique sans la bureaucratie, c’est M. Smith au Sénat de Capra : un combat inégal où tout dépend du caractère moral des personnalités politiques, et où les intérêts privés ont les moyens de peser sur l’action politique au détriment des plus faibles.
Anastassios Anastassiadis, La Vie des idées, février 2012
Chaque année nous sommes inondés, et c'est l'expression appropriée, par des dizaines, a minima, de cartes de voeux plus ou moins réussies. Maintenant en plus elles viennent électroniquement. Comme c'est plus facile, elles sont en même temps sonores voire sous la forme de diaporama. Pour la plupart, on ne jette qu'un regard au mieux indifférent voire par moment hilare. C'était le cas chaque année pour la ville de Dourdan qui, à mon avis, recevait la palme de la platitude. Mais c'était il y a bien longtemps. Depuis, les agences de communication rivalisent en effets visuels. Le but derrière les messages creux, inodores et consensuels, c'est de faire passer le message de la sympathie la plus absolue pour les édiles. C'est la moindre des choses.
Pourtant cette année on ne peut qu'être frappé par la carte des voeux de la ville de Palaiseau. Même pas peur est son titre sur fonds noir. En évoquant autour du titre des messages de peurs que l'on entend parfois dans la rue, les réunions publiques etc, la ville de Palaiseau aborde, avec humour, de front celles-ci. Dans ce florilège synthétique je cite : encore des logements sociaux, c'était mieux avant, y'a plus d'étrangers, j'ai vu des jeunes se rassembler, il parait que...La réponse en page suivant est claire : face au rejet ensemble on peut faire le choix d'une ville partagée. C'est un beau message qu'il fallait saluer à son juste niveau. C'est une des plus belles cartes de l'année.
Considérant,
Que la conception et la mise en œuvre des services publics constituent une réalisation essentielle de la République française ;
Que la contribution des services publics aux principes des Droits de l’homme et de la souveraineté nationale est constitutive des valeurs de la République ;
Que les services publics sont le moyen de la réalisation de la devise républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité ;
Que parmi les intérêts fondamentaux de la Nation figure la notion de solidarité nationale, garantie notamment par l’existence des services publics ;
Que le fonctionnement efficace des services publics doit donc être assuré fidèlement selon les principes de continuité du service, d’égalité d’accès pour tous les citoyens, de neutralité et de distribution équitable sur l’ensemble du territoire national ;
Que les services publics dans leur contenu doivent garantir les conditions de l’égalité républicaine dans les domaines vitaux pour tous les individus, en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à la formation et à l’enseignement supérieur, à un système de santé de haute qualité sans discrimination de revenu ou de patrimoine, à un emploi et à un système de solidarité nationale assurant un niveau de vie compatible avec la dignité humaine, à un développement dynamique et solidaire de l’économie nationale, à la sécurité et à la justice indépendante dans la proximité, à l’information libre et aux moyens de communication physiques et numériques, à la capacité de déplacement sur l’ensemble du territoire national par des transports fiables et accessibles, à l’accès à l’eau et à l’énergie, à un aménagement responsable et durable des territoires et de l’environnement, à des collectivités territoriales assurant une démocratie de proximité et pleinement responsables et autonomes, à une culture libre dans sa création et accessible à tous dans sa diffusion, à l’accès aux pratiques sportives ;
Proclame :
Art. 1er – Les services publics participent pleinement des principes et valeurs que le peuple reconnaît dans la République.
Art. 2 – Toute personne a le droit d’avoir accès aux services publics.
Art. 3 – Il revient à l’Etat d’assurer la mise à disposition pour tous les citoyens de services publics de qualité, et dans l’hypothèse de services publics transférés aux collectivités locales, d’assurer à ces dernières les ressources correspondant à l’exercice effectif de ces services et à leurs évolutions.
Art. 4 – Les principes essentiels des services publics reposent sur l’égal accès de tous les citoyens, l’égal accès sur l’ensemble du territoire, la continuité et la neutralité du service.
Art. 5 – La République française reconnaît et garantit les services publics de l’éducation nationale, de la formation, et de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la santé et de l’hôpital, de la sécurité sociale, de l’emploi, de l’accompagnement économique et industriel, de la police, de la justice, de l’information et de l’accès aux moyens de communication physiques et numériques, de l’aménagement des territoires, de l’eau et de l’énergie, de la protection de l’environnement, des transports, de la démocratie de proximité assurée par les collectivités territoriales, de la création et la diffusion artistiques et culturelles, de la pratique des activités sportives..
Art. 6 – Le Gouvernement met en œuvre les politiques de son choix, dans le respect de la souveraineté nationale et de la charge des missions de service public qui lui sont confiées.
Art. 7 – La France s’inspire de son modèle républicain de services publics dans son action à vocation internationale et européenne.
Sans que les choses n'aient jamais été pleinement conceptualisées, les régimes démocratiques ont ainsi progressivement reposé sur deux pieds : le suffrage universel et l'administration publique. Celle-ci a cessé d'être la simple courroie de transmission du pouvoir politique pour acquérir une marge d'autonomie fondée sur la compétence.
Eva Joly, ancienne magistrate, a publié dans le journal le Monde daté du 15 janvier une tribune sous la forme d'une lettre ouverte au Président de la République. Cette lettre porte sur la proposition récente de supprimer les juges d'instruction. Je fais mienne l'argumentation d'Eva Joly qui de tout ce que j'ai lu jusqu'ici, est celle qui m'a le plus convaincu. Je la reproduis ici in extenso.
Monsieur le Président,
Supprimer le juge d'instruction ne constitue pas une simple réforme de notre système pénal, mais porte atteinte au plus haut de nos principes, celui de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir politique. Votre discours ne mentionne aucune garantie d'indépendance pour les enquêtes. Ce silence, dans un domaine qui constitutionnellement vous échoie, porte la marque du stratagème politique.
Mais le verbe haut et toute la rhétorique du monde ne suffiront pas pour convaincre les Français qu'un parquet soumis aux instructions du ministre constitue une meilleure garantie pour le justiciable qu'un juge indépendant. Vous affirmez que notre pays est marqué par une tradition de "rivalité" entre le politique et le judiciaire. La rivalité n'est pas du côté des juges, elle est le fruit de la peur des politiques.
Vous pensez que la légitimité politique prime sur tous les pouvoirs. Or c'est précisément pour contenir le désir de toute-puissance qui s'empare naturellement des gouvernants que les Lumières ont forgé le concept de séparation des pouvoirs. John Locke l'a observé justement : "C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites." Il ne fait pas bon en France incarner une de ces limites. Plus d'un magistrat en France peut en témoigner.
Qui peut encore croire que le juge d'instruction est "l'homme le plus puissant de France" ? Certainement pas vous, Monsieur le président. L'homme le plus puissant de France, c'est vous. Vous avez le pouvoir de faire saisir un tribunal arbitral qui attribue 285 millions d'euros à un de vos soutiens. Vous avez le pouvoir de déguiser une grâce individuelle à un préfet dévoyé en grâce collective.
A de rares exceptions, en matière financière, il n'y a plus que des enquêtes préliminaires, et des dossiers bouclés dorment dans les tiroirs. La liste des enquêtes non effectuées est impressionnante : les soupçons de corruption à l'encontre de Christian Poncelet, ex-président du Sénat ; les flux financiers allégués de Jacques Chirac au Japon ; les fortunes apparemment mal acquises des présidents africains placées en France ; le rôle supposé de la BNP Paribas dans les montages corrupteurs au Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa.
La justice aurait dû enquêter pour crever l'abcès. Elle ne l'a pas fait, laissant se répandre le poison du soupçon et le spectacle de l'impunité. Une justice dépendante, c'est une justice qui n'ouvre pas d'enquête lorsque les faits déplaisent au pouvoir. Rappelez-vous du massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961. Il n'y eut jamais aucune enquête ! Aucune condamnation ! Parce que le parquet ne le jugea pas opportun.
Est-ce cette face-là de la justice qu'il faut faire ressortir au XXIe siècle ? Le juge d'instruction est le fruit de notre histoire. Il n'existe pas ou a disparu en dehors de nos frontières. Il peut évidemment être supprimé, mais à condition que sa disparition entraîne davantage de démocratie et non davantage d'arbitraire. Peu importe qui mène les enquêtes pourvu que les magistrats soient préservés des pressions ; pourvu que les investigations puissent être conduites, ne soient pas étouffées dans l'oeuf.
Vous voulez confier les enquêtes au parquet ? Cela se peut, mais il faut alors rendre le parquet indépendant de votre pouvoir, ce qui, vous en conviendrez, n'a guère été votre choix. Les contempteurs des juges d'instruction affirment qu'il est impossible d'instruire à charge et à décharge. Si le parquet enquête, il héritera du même dilemme. A moins que vous n'ayez l'intention d'accorder aux avocats un pouvoir d'enquête... Non seulement la justice sera aux ordres, mais elle deviendra inégalitaire, à l'image de la justice américaine.
En somme, vous aurez pris le pire des deux systèmes : l'arbitraire et l'inégalité. Face à un projet qui foule aux pieds l'idéal de 1789 d'égalité des citoyens devant la loi, face à une réforme qui risque de transformer notre pays en République oligarchique, à la solde de quelques-uns, j'appelle les Françaises et les Français épris de justice à la mobilisation contre votre projet.
Je soutiens l’appel contre la privatisation de La Poste, pour l’ouverture d’un débat public et pour un réferendum
Appel à la mobilisation :
contre la privatisation de La Poste,
pour un débat public et un référendum sur le service public postal.
Les organisations syndicales, politiques et associatives signataires affirment que le service public postal appartient à tous les citoyens, c’est pourquoi elles demandent l’organisation d’un vrai débat public permettant l’implication des citoyens. Ils doivent pouvoir décider de l’avenir de La Poste par un référendum.
Sacrifiant l’intérêt général à l’aventure spéculative, le Gouvernement soutient le projet, annoncé brutalement début juillet, de transformation de La Poste en société anonyme et d’ouverture de son capital.
Quand on regarde ce qui s’est déjà passé en France, notamment avec France Télécom, EDF et GDF, ainsi qu’à l’étranger, cela s’appelle une privatisation. Nous la refusons !
Il s’agit d’une offensive sans précédent contre « le noyau dur du service public ». C’est une attaque contre un symbole cher à l’ensemble de la population. C’est une attaque contre une réalité vécue, celle d’un service ouvert à tous, efficace, garant de proximité et jouant un rôle social essentiel. Que deviendraient les plus fragiles ou les plus isolés de nos concitoyens en cas de banalisation de La Banque Postale, de réduction de tournées de facteurs, de fermeture massive de bureaux de poste ?
L’ensemble des organisations syndicales, politiques et associatives signataires : • entendent s’opposer résolument à la privatisation de La Poste. La mobilisation de toutes et de tous doit contraindre le Gouvernement à y renoncer. • exigent que le service public soit maintenu, modernisé et rénové afin de répondre aux besoins de la population sur l’ensemble du territoire.
La Poste ne doit pas être une entreprise comme les autres. Sa vocation première, sa raison d’être c’est le service public. La Poste est un « service public national » qui est « la propriété de la collectivité », selon le préambule de la Constitution. Ce même texte définit l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction d’origine ni de religion. Pour tous et partout, le droit à la communication, le droit à l’adresse, le droit au compte et l’accessibilité bancaire doivent figurer au premier rang des missions de La Poste.
Il est impensable que l’on puisse décider de son avenir, de la transformer radicalement sans consulter ses véritables propriétaires, les citoyens !
Sur ce sujet vital, la réflexion et la décision ne peuvent être réservées à tel ou tel cercle, aussi avisé qu’il se prétende. Il est légitime que la population, élargissant ainsi les nécessaires mobilisations des postières et des postiers, puisse débattre largement et s’exprimer directement. Si la démocratie c’est la liberté de choisir, encore faut-il que le choix soit possible. Il est juste que les citoyens, propriétaires et usagers de La Poste, les élus locaux et le monde associatif et bien sûr les postières et les postiers et leurs syndicats puissent défendre leur conception du service public. Ils sont, au-delà de la critique, à même de proposer une voie alternative à celle qu’on cherche à leur imposer au nom d’une prétendue fatalité.
D’autant que, partout en Europe et dans le monde, les privatisations postales ont engendré baisse de qualité de service, augmentation des tarifs et destructions d’emplois.
L’article 11 de la Constitution révisée ouvre le droit d’initiative citoyenne. Les citoyens doivent pouvoir décider de l’avenir de La Poste par référendum.
C’est pourquoi nous créons le Comité national de mobilisation contre la privatisation de La Poste, pour l’ouverture d’un débat public et un référendum sur le service public postal. Ce Comité est constitué des représentants des organisations syndicales, politiques et associatives déjà signataires et à venir. Il appelle à créer dans tout le pays des comités locaux, ayant pour but de rassembler toutes celles et tous ceux qui souhaitent atteindre ces objectifs.
Cet instituteur avait raison en tant que citoyen : il avait tout à fait le droit d'être contre une mesure qu'il jugeait contraire à l'idée qu'il se fait de l'éducation. Mais il avait tort en tant que fonctionnaire car par la même il encourait des sanctions prévues par la loi, une loi d'ailleurs mise en place par un gouvernement de gauche qui souhaitait clairement donner des droits et des devoirs à chaque fonctionnaire.
Je reproduits ici l'appel du journal Télérama pour sauvegarder la télévision publique. Je suis fondamentalement en accord avec la plupart de ces propositions.
Ce que nous voulons.
Inscrire la télévision et la radio publiques dans le préambule de la Constitution.
Réduire la publicité à deux minutes par heure d'ici à 2012.
Augmenter la redevance.
Faire de France Télévisions une entreprise unique.
Créer huit grandes chaînes régionales et une chaîne sans pub pour les enfants.
Substituer l'ambition de l'audience à l'obsession de l'audience.
Réformer les modalités de nomination du président de France Télévisions.
Faire de France Télévisions sur internet un vrai service public.
Augmenter la contribution des chaînes privées au financement de la création audiovisuelle.
Accroître la qualité, la créativité et l'innovation des programmes.