Dans ma note du 15 décembre dernier je faisais allusion au livre de Jacques de Voragine (écrit vers 1255) appelé la Légende Dorée. Celui-ci, très célèbre notamment au 14ème siècle servit de livre journalier à qui voulait lire ou se faire lire la vie du Saint du jour. Voici donc la partie dans laquelle est racontée la Décollation de Saint Jean-Baptiste et l’anecdote du pouce : Dans une ville des Gaules nommée Saint-Jean de Maurienne, se trouvait une dame remplie de dévotion envers saint Jean-Baptiste elle priait Dieu avec les plus grandes instances pour obtenir quelqu'une des reliques de saint Jean. Mais comme elle voyait que ses prières n'étaient pas exaucées, elle prit la confiance de s'engager avec serment à ne point manger, jusqu'à ce qu'elle eût reçu ce qu'elle demandait. Après avoir jeûné pendant quelques jours, elle vit sur l’autel un pouce d'une admirable blancheur, et elle recueillit avec joie ce don de Dieu. Trois évêques étant accourus à l’église, chacun d'eux voulait avoir une parcelle de ce pouce, quand ils furent saisis de voir couler trois gouttes de sang sur le linge où était placée la relique, et ils s'estimèrent heureux d'en avoir obtenu chacun une. Mais d’autres légendes sont racontées sur le doigt de Saint Jean-Baptiste et il est difficile de suivre la logique car il y a, dans le livre de Jacques de Voragine, au moins deux histoires liées à la mort du Saint. Dans chacune d’elle on parle de la main ou d’un des doigts du Saint (celui qui a montré Dieu donc l’index ; le pouce de Saint Jean de Maurienne). En continuant à chercher on trouve un petit texte sur le site de l’université de Liège qui parle du pouce et de sa signification symbolique dans la Rome antique, notamment le pouce levé ou baissé, qui indiquait la mise à mort ou non des gladiateurs. Il semble que tout cela fut inventé et le célèbre tableau de Jean-Léon Gérôme ‘’Pollice verso’’, ici reproduit, de 1872 serait historiquement faux. Voici ce qu’on lit sur le site de l’université de Liège : le pouce est pour les Romains le doigt principal, le plus important, le doigt par excellence, au point que pollex (le pouce en latin) finit par pouvoir désigner métonymiquement (d’une façon équivalente) n'importe quel doigt, ou même, par synecdoque (compréhension simultanée), la main. Comme il est difficile de montrer quelqu’un avec le pouce l’auteur en conclut que : Le doigt que la foule (…) tend vers celui qu'elle veut voir mettre à mort, ce n'est évidemment pas le pouce, c'est l'index, le doigt qui sert par excellence à montrer, le mieux visible de loin. Le geste est d'ailleurs nettement plus facile à faire et plus naturel... J’en arrive donc à mon hypothèse. Comme Saint Jean-Baptiste vivait du temps de la Rome antique, il est possible disons, qu’avec le temps et les traditions orales les doigts (index, pouce) se soient mélangés et que les différentes parties du chapitre sur la ‘’Décollation’’ aient eut une racine commune (la tradition orale véhiculant plusieurs variantes) car dans la première partie (trop longue à raconter ici), une fois le Saint mort, les miracles continuent au dessus de sa tombe, et il est donc re-tué par l’incinération de son cadavre (double martyrisation donc) et devinez ? Seul l’index ne put être brûlé… Au fil du temps, il n’y eut pas confusion des doigts mais séparation. Une première légende parlant d’un doigt mais il s’agirait de l’index ; une seconde partie parlant seulement du pouce. Jacques de Voragine ayant ensuite rassemblé les deux versions pour les recoller l’une à la suite de l’autre séparément. Or en fait, il devait s’agir à l’origine de la même histoire. Seul le temps sépara ce qui n’était qu’une seule et même histoire. Pour en revenir à Pietro Lorenzetti et sa fresque, il s’agit bien d’une référence à Saint Jean-Baptiste à partir effectivement de la lecture du livre de Jacques de Voragine. Mais comme le dit Daniel Arasse dans son livre, personne ne compris le geste pictural du peintre si bien qu’aucun peintre à l’avenir ne repris le pouce dans une annonciation. Il ne me restera donc qu’à regarder de plus près cette histoire de doigt à Rome à travers le livre de Onians : les origines de la pensée européenne. A suivre donc une nouvelle fois…
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