Blog de Laurent Combaud

Au commencement était...de mauvaises analyses économiques

Voici un extrait d'un article publié sur le site internet de la vie des idées. De quoi se re-questionner.

La dite « dérive » des coûts unitaires du travail en Grèce ou en Espagne s'explique par deux facteurs. D'une part, la bulle immobilière alimentée par les capitaux en provenance du reste de l'Europe a soutenu une inflation plus élevée que dans le reste de la zone euro. La très forte hausse de la demande pour la construction de nouveaux logements a notamment favorisé une hausse rapide des salaires qui s'est transmise au reste de l'économie. D'autre part, la productivité n'a pas progressé car les investissements ont justement été dirigés vers les secteurs les moins exposés à la concurrence internationale qui regroupent les firmes les moins productives.

Les déséquilibres de balances de transactions courantes en Europe n'ont donc pas pour principale origine la dégradation des coûts du travail dans la périphérie de la zone euro. Ces déséquilibres résultent davantage des flux de capitaux intra-européens qui ont financé les investissements massifs dans les secteurs abrités de l'économie et ont, dans le même temps, favorisé la dégradation des soldes de transactions courantes au travers d'une hausse des importations. Autrement dit, le surplus d'épargne allemand est venu combler le besoin de financement de la Grèce, du Portugal ou de l'Espagne avant la crise. L'élimination rapide des déficits de transactions courantes après 2009 confirme le rôle important joué par les flux de capitaux, qui peuvent rapidement créer des déséquilibres, et les résorber tout aussi vite lorsque les flux de financement se tarissent.

Le diagnostic de la Troïka, qui repose sur une causalité rendant la « dérive » des coûts unitaires du travail responsable des déséquilibres de soldes des transactions courantes dans la périphérie de la zone euro, est erroné. Or, un mauvais diagnostic se traduit très souvent par l'application de politiques inadaptées.

Extrait d'un article signé Ecolinks, « L'obsession de la compétitivité a-t-elle tué l'Europe ? », La Vie des idées, 28 janvier 2014. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/L-obsession-de-la-competitivite-a.html

Grèce : ipse mihi asciam in crus impegi

La victoire d'une nouvelle majorité en Grèce est d'abord celle de la Commission européenne "a contrario". Comme le dit la locution latine, je me suis enfoncé une hache dans le pied. C'est l'action de la Commission, et je l'écris sans jugement de valeur, qui vient, bien malgré elle, de provoquer ce changement important et qui aura probablement des conséquences pour le moins incertaines demain.

Après les élections législatives en Grèce une question apparait. Non celle de la victoire supposée de tel ou tel parti et de l'application d'un programme supposé différent. Celle-là c'est la base de toute vie démocratique. Non la question de fond aujourd'hui dépasse une simple victoire. C'est la question du primat du politique sur toute autre considération. Un peuple a-t-il la possibilité après avoir élu une nouvelle majorité de demander un changement de direction qui impliquerait une remise en cause forte voire radicale des engagements et accords négociés et acceptés par des gouvernements précédents ?    Bien sûr qu'après des effets de tribune pendant une campagne des compromis seront trouvés. D'une part parce que personne n'a intérêt à bloquer le nouveau processus et au premier plan l'administration de la Commission européenne et les Etats les plus influents qui sont derrière comme l'Allemagne. Mais également parce que les grecs n'ont nulle envie de voir le robinet financier se couper. Chacun aura intérêt à mettre de l'eau dans son vin. Ce sera donc finalement un effet de curseur qui sera à étudier. A quel niveau doit-il s'arrêter ? Est-il vrai que la volonté d'un seul pourra faire plier le reste de ses partenaires ? Est-il donc possible de faire fléchir la ligne doctrinale des principaux pays européens en matière économique ? Assistera-t-on au retour du primat du politique sur l'économique ? Et si oui que faire maintenant pour tous ceux et celles qui pensent que tout est affaire de volonté ? De beaux moments politiques en perspective.

Où va le monde arabe ?

Plus d'un an après, une analyse des perspectives du monde arabe se révèle nécessaire, tant semble paradoxale la situation actuelle : la démocratie a accouché partout d'un islamisme qui professait hier encore sa détestation de ce type de régime; l'Occident semble avoir disparu d'une région où il était omniprésent, alors que c'est le système qu'il a inventé qui s'impose peu à peu et alors que c'est un grand ami des occidentaux, le Quatar, qui essaie d'imposer sa pax quatari à la région. Quant à l'économie, non seulement elle n'est pas repartie, mais elle semble absente des débats, alors que c'est la situation sociale qui a déclenché les révolutions (...) La crise de l'islam, c'est une crise de transition, parfois douloureuse et complexe, parfois violente, souvent régressive. Mais ce n'est pas une fatalité (...) Beaucoup d'incertitudes donc, un an après le début du printemps arabe. Mais, malgré tout, une conviction : le monde arabe va dans le bon sens. Sa transformation ne fait que commencer.

Hakim El Karaoui; revue Le débat mars-avril 2012. 

Colorblindness

En choisissant le compromis et le ‘’milieu de la route’’, il (Barack Obama) a déçu sa base électorale la plus progressiste et laissé la condition des plus fragiles se détériorer. S’il doit écouter la minorité noire dont il ne veut pas être le représentant, ce n’est pas parce qu’elle est noire mais parce qu’elle est la plus pauvre et la plus touchée par le chômage. S’il doit régler la situation des travailleurs latinos, c’est parce qu’elle est essentielle à la marche de la société américaine vers l’unité et la solidarité, alors même que les Républicains tirent le pays vers la haine de classe et la stigmatisation raciale. Il lui revient de préparer le pays à sa nouvelle réalité démographique : les minorités de couleur seront bientôt la majorité et, faute d’une politique sociale résolue, elles seront une majorité pauvre et discriminée. L’enjeu est capital : une éventuelle défaite de Barack Obama ou un second mandat placé sous le signe du statu quo parachèverait de façon critique la déliquescence bien entamée de la société américaine.

Revue le débat, Sylvie Laurent, Obama et les minorités raciales. Mars avril 2012

Le défi chinois

La façon dont les chinois s'y sont pris ne recèle pas de grands mystères : un Etat qui s'est assuré stabilité et longévité est en mesure d'adopter une visée stratégique à long terme; un gouvernement qui n'a pas besoin de gagner les faveurs des électeurs ou de groupes d'intérêt particuliers a les coudées franches pour les objectifs qu'il s'est fixés, en l'occurrence le développement économique du pays; un pouvoir politique capable d'agir sans se soucier des droits civils ou de propriété individuels est à même de planifier et décider en fonction de ses seuls objectifs.

Bryan GOULD (revue Le débat, décembre 2011)

Giscard, Mélenchon, Lienemann et quelques autres...

Le moindre que l'on puisse dire c'est que la récente nomination de Herman Van Rompuy fait l'unanimité des commentateurs politiques les plus en vue. Il suffit de lire leurs blogs ou le journal Le Monde pour s'apercevoir que leurs critiques vont toutes dans le même sens. Ce n'est pas tant que le 1er ministre Belge serait un libéral certes social, mais tout de même très conservateur qui les gène. Non, il s'agit tout simplement et également de sa personnalité. Pour l'Europe il nous aurait fallu un grand nom, un personnage charismatique qui emporte résolument les instances européennes vers d'autres cieux. Un Georges Washington comme le dit Giscard. Comme si cela changeait le problème. Je ne connais pas Herman Van Rompuy. Je ne lui fait pas confiance comme je n'aurai pas fait confiance à Michel Rocard ou bien VGE. Je n'ai pas certes pas confiance dans ses idées politiques et les structures communautaires risquent de l'étouffer comme les autres. Mais on ne peut juger un homme avant même qu'il est fait quoi que ce soit. DSK sera jugé sur son action au FMI, sa capacité à modifier profondément son fonctionnement. Il faut comme toujours du temps, de la méthode, une certaine vision de l'avenir reposant sur une analyse de la situation existante et toujours, toujours la ferme volonté de transformer le monde. Un principe de réalité à égal distance de l'éthique de conviction et de celle de responsabilité.

En la matière le passé n'est pas toujours garant de l'avenir. Nous verrons bien.

Obama

D’accord il a gagné. C’est mieux que l’autre camp à tout point de vue. Il y a même dans cette élection une promesse d’avenir inédite. Mais je ne peux que songer aux commentaires, souvent des mêmes, qui en 1992 saluaient l’arrivée à la maison blanche de Bill Clinton. Il y avait peut-être moins d’intensité et moins d’émotion. Mais on ne peut qu'admettre que l’espoir et le résultat ont été très différents. Soyons donc à ce jour optimiste et vigilant.

Obama, Clinton ou vis et versa

Autrement dit, Mme Clinton et Mr Obama sont les emblèmes d'un progressisme américain dont l'éthique politique désapprouve et combat les inégalités qui découlent du racisme et du sexisme avec d'autant plus de vigueur que, simultanément, elle ignore les inégalités qui ne sont pas le fait de la discrimination mais de ce que nous avions l'habitude d'appeler l'exploitation.

                              Walter Benn Michaels

Tibet-Chine : rien n'est simple

Quatre interventions écrites sur les émeutes tibétaines du mois de mars ont attiré mon attention. Les articles dans le Monde Diplomatique des mois d'avril et de mai 2008 ainsi qu'un courrier des lecteurs. Egalement le blog de Jean-Luc Mélenchon, sénateur socialiste de l'Essonne, dont une note suscita plus de 2 000 commentaires.

Que retenir ? Simplement, encore une fois, que derrière l'apparente facilité des reportages médiatiques sur ces évènements se cache une réalité complexe et historique dont il faut appréhender, même superficiellement, les causes. Rien n'est simple. Il n'y a pas les méchants envahisseurs d'un coté et les gentils illuminés de l'autre. Le travail citoyen c'est de lire, de s'informer bien au delà des apparences que le prisme de la télévision déforme à travers des enjeux de pouvoir médiatique et de reconnaissance institutionnelle.

Notre fascination pour le Tibet fait de ce pays une entité mythique sur laquelle nous projetons nos fantasmes.

Slavoj Zizek (Monde diplomatique de Mai 2008)

Libre échange agricole ?

Sur 6,5 milliards d'humains, 3 milliards se privent de nourriture, 2 milliards souffrent de maladies dues à des insuffisances alimentaires en fer iode ou vitamines, 854 millions ont faim presque tous les jours et 9 millions en meurent chaque année. Plus de 80% sont des paysans ou ex paysans. Le défi est de nourrir bientôt 9,5 milliards de personne dans 50 ans. Aujourd'hui il faudrait accroître de 30% la production. Avec des techniques ''durables'' ont peu accroître les rendements de 25% tout de suite.