Après un premier livre en 2002 (Au bonheur des villes) l’ancien président de la société française des urbanistes Alain CLUZET (AC) vient de sortir un nouveau livre intitulé, Ville libérale ville durable ?
La présente note reprend les principaux thèmes du livre condensés en quelques points. Sa thèse principale est que l’extension de la ville à l’infini n’est plus possible aujourd’hui et que finalement le marché débridé ne peut être une réponse satisfaisante. Il propose donc tout au long de ces 190 pages, des constats, des analyses, des propositions.
Le constat sur le développement gigantesque des villes et de l’activité humaine est désormais connu. En France en dix ans ce sont 10 000 km² qui ont été consommés soit deux départements moyens. AC y revient tout au long de son argumentation. J’en relève les principaux traits. En Ile de France, surmortalité de 3 à 5% supplémentaire pour cause respiratoire ou cardio-vasculaire due aux particules fines et fumées noires. 9500 à 15 000 décès dans les agglomérations Françaises en serait la conséquence directe. 69% des gaz à effet de serre sont liés au gaz carbonique dont 43% directement pour les hydrocarbures. Au niveau Européen 75% du trafic s’effectue sur seulement 200 axes routiers. Les coûts externes de ce transport représenteraient près de 10% du PIB Européen (congestion, accidents, bruit, pollution). 250 litres d’eau par jour et par personne sont consommés et souillés. La production de déchets est également de 300 kilos par an et par habitant (Naples dont on parlait récemment dans les médias est à 600 kilos !). Tout ça induit que l’empreinte écologique (ce qui faut d’espace pour absorber convenablement les activités humaines) est déjà à 120% alors que les hommes ne vivent, seulement, que sur 20% de la terre. Et cette empreinte a presque doublé en trente ans. Chaque jour 50 000 hectares de forêts tropicales humides disparaissent, et les déserts eux croissent de 20 000 hectares. La France est au cinquième rang mondial pour les espèces connues menacées soit 263 !
AC propose alors une série de mesure qui s’adresse principalement aux décideurs publics notamment Français. Résumons les en partant du plus haut.
Il faut rendre les documents d’urbanisme moins bavard, obligatoire et surtout plus contraignant (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui notamment en ce qui concerne le Schéma directeur de l’Ile de France) de l’échelon régional au local. La responsabilité des Plans Locaux d’Urbanisme pourrait être confiée aux intercommunalité ainsi que la gestion des autorisations d’urbanisme (notamment permis de construire). Enfin la rareté du foncier devrait être reconnue et les aides au logement dispensées par l’Etat conditionnées (mais aussi par la fiscalité) suivant leur emplacement : densification des villes existantes mais cela risque de n’être pas suffisant, et extension urbaine grâce à une planification forte autour de la notion de ce que AC appelle des couloirs de développement. Ceux-ci seraient canalisés le long de réseaux de transports en commun organisés en toile d’araignée et dont les ramures les plus fines seraient de 500 mètres de part et d’autre d’une ligne de tram ou de bus. Dans ces zones la puissance publique assurerait le portage foncier des terrains à urbaniser. Le droit de construire y serait plus important (minimum 40% du terrain). Une densité de 50 logements minimum à l’hectare (mais les chiffres de 70 voire 100 sont évoqués) devrait assurer à 10 000 habitants d’être à 200 mètres des premiers services et au plus à 400 ou 500 mètres de la première ligne de transport. Chaque habitant, comme à Stockholm, devrait disposer de 100 M² d’espaces verts. La taxe locale serait d’équipement divisée par deux, mais doublée ailleurs hors de ces zones prioritaires. Les prêts à taux 0 ne seraient pas accordés en dehors. La généralisation de la cogénération et les branchements individuels aux réseaux collectifs pour le chauffage seraient rendus obligatoires ; avec pour toutes les habitations, panneaux solaires, système de ventilation, généralisation de la HQE.
Ainsi ce livre dense s’adresse à tous ceux qui prennent conscience de l’impasse de développement dans laquelle progressivement notre société s’enfonce. Citant HOBBES, la vertu est plus grande quand elle est le fruit d’une nécessité, AC ébauche des pistes non dénuées de volontarisme politique de sortie de crise en y englobant des propositions, souvent concrètes, sur l’ensemble des ingrédients qui concourt à la formation de la ville.
Ma critique personnelle, dont j’ai par ailleurs discuté avec l’auteur, est que sur le foncier qui est la base essentielle et névralgique de son dispositif dans les couloirs de développement, il n‘ose aller trop loin. Je propose donc ci-dessous, mais sommairement, d’aller encore plus loin.
Nous savons que la spéculation foncière mine les opérations d’aménagement et nourrit les hausses vertigineuses du prix des terrains. AC note +137% de 1997 à 2006. Et il devient de plus en plus difficile de se loger à tous les niveaux. Les urgences environnementale et sociale devraient plutôt s’ajouter et s’articuler au bénéfice de tous. Mais il faut que la puissance publique aille dans deux directions.
La première serait de rendre ‘’publique’’ la nature des sols dans ces couloirs de développement. Une Maison (mais aussi un appartement) aujourd’hui dans le neuf vaut entre 80 000 et 150 000€ (ou 1200 € le M² moyen en coût de construction). Or les prix dans le neuf, notamment en région parisienne, atteignent désormais, tout compris, le triple voire le quadruple ! Et toutes les régions Française, plus ou moins, sont touchées par ce phénomène. La puissance publique achèterait par préemption l’ensemble des terrains et garderait en réserve foncière la propriété des sols qu’elle pourrait louer sous la forme de baux emphytéotiques et à des prix symboliques.
La seconde serait de redynamiser toutes les structures parapubliques qui interviennent dans le secteur du logement pour les inciter, dans ce cadre à construire des programmes performants dans l’esprit de ce que AC propose (voir plus haut). Cela est valable pour les sociétés HLM, les SEM, la Caisse des dépôts et ses filiales etc… Les programmes seraient entièrement sous la forme locative avec un droit au logement garanti à vie dans ce patrimoine et des loyers modestes suivant les revenus mais pour tout public. La mixité urbaine et sociale serait impérative. Cela est désormais possible car il suffit aujourd’hui de regarder ce qui se construit pour voir, instinctivement, la très qualité des opérations. Il n'y a plus de différence en terme de qualité entre les opérations publiques et privées.
En rendant hors marché le foncier prioritaire, la plus-value foncière serait incorporée dans la chaîne de l’opération pour, in fine, bénéficier aux locataires. Cette proposition mériterait d’être plus longuement développée notamment sur ces aspects économiques et juridiques. Donc à suivre…
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