Comment sécuriser la ville sans tuer les libertés urbaines que menace néanmoins une trop grande insécurité ?
C’est par cette phrase qui résume l’ambition de ce livre que l’auteur Thierry OBLET (TO) introduit son propos (Défendre la ville, PUF 2008). Pour l’auteur l’insécurité urbaine serait finalement le prix à payer du développement des villes. En échappant à la logique communautaire du village, l’individu moderne acquiert en même temps l’autonomie, la liberté, la créativité mais également l’anonymat qui permet l’extension de ce qu’il appelle la petite délinquance prédatrice liée de manière structurelle à la croissance des villes. Face à cela TO évoque l’évolution des moyens que se donnent les pouvoirs publics afin d’opérer un contrôle des populations. La police va s’organiser progressivement à partir de La Reynie (1667) jusqu’à s’étatiser entre les deux guerres et donc se recentraliser comme la justice un plus tard (abandon des juges de paix en 1958). Il évoque les dispositifs qui ont plus ou moins bien fonctionné, les Conseils Communaux de Prévention de la Délinquance, les Maisons de la justice et du droit, les agents locaux de sécurité, les grands frères, la sécurité privé et jusqu’aux Polices Municipales mais aussi les sécurisations passives du patrimoine avec l’éclairage public, la vidéosurveillance, la résidentialisation des collectifs d’habitation. Il doute plus particulièrement du concept, à l’œuvre actuellement, de la prévention situationnelle qui se concentre plus particulièrement sur l’identification des circonstances immédiatement favorables au passage à l’acte criminel plutôt que sur la recherche de leurs causes sociales ou du concept de justice actuarielle qui se borne au contrôle et la neutralisation des criminels.
La solution qu’il envisage n’est certes pas détaillée (et là les exemples concrets auraient été les bienvenues) mais elle invite au moins les acteurs locaux à reprendre inlassablement le chantier. On peut en distinguer quelques traits particuliers.
D’abord il n’y aura pas de sécurité sans une forte implication des habitants eux-mêmes. Il insiste sur le temps à prendre pour bien dégager un véritable diagnostic qui ne peut être produit que trop rapidement par quelques sociétés spécialisées extérieures : une analyse fine des problèmes à traiter en priorité doit être faite sans exclusive de solutions (résidentialisation, vidéosurveillance, etc) mais intégrée dans une organisation opérante. Les services municipaux ne doivent pas uniquement recueillir et entériner les projets associatifs, les polices municipales ne doivent pas être les supplétifs de la police nationale en voulant la copier plus ou moins bien mais avoir sous l’impulsion du Maire une vraie mission de sécurité publique grâce à leur connaissance du terrain et leur très forte implication de proximité avec les habitants. Ce livre est finalement un plaidoyer pour que la sécurité des villes soit l’affaire de tous, au delà des clivages institutionnels, des positionnements personnels, des postures corporatistes, des a priori et finalement du mépris sous-jacent vis à vis des populations les plus fragiles et qui sont, de facto, celles sur qui la sécurité aujourd’hui est la moins bien garantie.
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