Souvent je m'interroge sur la façon d'aborder le champ politique. Il est souvent plus facile de commenter que d'être acteur. C'est le plus souvent le lot de ceux et celles qui n'ont que critiques à la bouche sans jamais proposer et encore moins s'engager. Or comme le rappelait dans un livre récent l'historien Paul Veyne (l'empire gréco-romain), la grande leçon des origines de la démocratie c'est qu'elle ne peut exister sans l'engagement concret des citoyens. Mais, et c'est mon point de vue, cet engagement doit se faire aussi suivant ses envies, ses possibilités, ses aspiration naturelles et donc légitimes. En d'autres termes et pour être plus précis, je ne conçois pour ma part d'abord la citoyenneté qu'à partir de la réflexion et le travail intellectuel comparatif. Ce blog en est d'ailleurs une illustration. Il est assez facile de suivre mes opinions et sentiments en consultant les rubriques économique et politique ainsi que la rubrique philosophie (comme principe moteur de toute action politique).
Pour faire de la politique il faut d'abord réfléchir. A l'inverse de Raymond Aron, je me qualifierai plutôt d'engagé spectateur. Ma déception profonde du manque de travail (intellectuel) de la famille politique, dont je me sens le plus proche, m'a conduit à prendre plus de distance mais surtout à réfléchir plus intensément (d'où le sous titre de mon blog) et, petit à petit, à renforcer mes convictions tout en admettant, très sincèrement, mes erreurs d'interprétation. On a le droit de changer. La note ci-dessous est un déroulé synthétique de la méthode que je me suis imposée. Elle est en trois temps. Ce n'est pas une loi universelle mais pour moi un simple guide méthodologique. Elle part de l'écoute de l'offre politique à travers la lecture attentive des propositions et des débats actuels.
1) Quelle vision de la société les politiques ont-t-ils ?
A mon avis il ne peut pas y avoir de propositions d'action politique ex nihilo comme si le personnel politique offrait un programme clé en mains reposant uniquement sur une fabrication dénuée de sens ou de vision d'ensemble. Cela n'existe pas. Et pour personne. Bien au contraire chacun a bien une vision singulière du monde dans lequel il vit. Et cette vision, plus ou moins consciente, est la base sur laquelle les propositions seront émises. Si vous n'êtes pas révoltés par cette société, bien évidemment votre programme devrait proposer finalement de ne rien changer ou pas grand chose. C'est le lot des conservateurs en général. Si au contraire vous considérez que cette société est bouffie d’insuffisances alors normalement votre programme proposera de la remettre en cause voire de l’amender plus ou moins profondément. Cela apparemment relève du bon sens. Mais j'ai appris qu'il faut toujours regarder de près la façon dont les politiques parlent des faits ou des évènements qu'ils commentent allègrement dans les médias. Car on observe souvent des distorsions plus ou moins importantes entre le penser, le dire et le faire. Cela est particulièrement vrai à gauche dont le parti majoritaire dénonce souvent les mesures prise par les gouvernements de droite, et une fois revenu au pouvoir, se garde bien parfois de revenir en arrière. Par exemple en 1987 la privatisation de la première chaîne de télévision que la gauche avec sa campagne ''la télé est à nous'' devait re-nationaliser. On sait ce qu'il advint. Il en est probablement de même avec beaucoup de réalisations du gouvernement actuel que l'opposition se gardera bien de défaire une fois revenue aux manettes. Ce risque existe du simple fait que le positionnement du PS est en équilibre perpétuel entre son aspiration idéaliste et son comportement fataliste (voir l'analyse du livre de JC Michéa dans ma note du 4 mars 2008).
2) Bâtir un programme : que proposent-t-ils ?
A partir de cette vision du monde, la construction d'un programme doit être en même temps un document propositionnel (parce que la confiance se prouve par le respect de la parole donnée) et suffisamment synthétique (parce que tout n’est jamais écrit sauf à élaborer un document de mille pages). Mais ce document doit s’engager aussi à donner des réponses innovantes, concrètes, volontaires et crédibles.
Innovantes parce qu'il faut apporter des solutions au problème de notre temps, voire s’il le faut changer le cours des évènements; alors bien évidemment les propositions doivent être un véritable signe de changement et non pas un gadget inutile ou à tout le moins inoffensif quant aux résultats prévisibles. Le terme juste serait même hardi plutôt qu’innovant.
Concrètes parce que si une analyse n’est pas assortie d’engagements tangibles, on reste toujours sur de bonnes intentions, des vœux pieux. Or une idée doit être applicable. Par exemple il est inutile de rabacher qu'il nous faut une fiscalité plus juste si on ne détermine pas qui va payer et combien. Mais souvent, pour ne pas faire peur on reste prudemment dans la seule énonciation de la nécessité du changement sans dire comment.
Volontaires car le simple fait de ne pas être ferme ou précis est une preuve suffisante aujourd’hui d’un risque de se laisser naviguer au fil des sondages d’opinion ou des changements d’humeur des majorités électives. Lors de la dernière élection présidentielle, le simple fait (pour le PS) de proposer une grande conférence nationale avec les syndicats sur le dossier des retraites montrait que cette proposition tentait de biaiser sur l’allongement de la durée de cotisation. Alors que la question que des millions de salariés attendaient était : allons nous oui ou non revenir à 37,5 années de cotisation et à quel taux ?
Crédibles car une proposition doit toujours être réalisable (juridiquement, politiquement, financièrement, techniquement) dans le temps imparti. Le simple fait de proposer une baisse de TVA pour les cafés et les restaurants alors que nos partenaires européens y sont opposés est une proposition non crédible même si cet objectif peut être atteint sur le long terme. Quant à son coût prohibitif pour les finances publiques, rien que cela aurait dû faire abandonner le projet.
3) Comment mettre en place ce programme et avec qui ?
Il faut avant tout répondre au problème de la cohérence de l’ensemble programmatique, c'est-à-dire principalement à la question de l’équilibre entre les recettes et les dépenses. Or la plupart du temps la partie recette est quasiment inexistante ou est très vague au contraire des propositions de dépenses qui sont mieux vendables. Mais le plus souvent les dépenses peuvent faire l'objet d'une quantification alors que les recettes restent dans le domaine du flou justement parce que personne ne veut être clair (sauf les partis politiques non gouvernementaux) sur qui va payer.
Dis moi ce que tu penses et ce que tu veux faire, et je te dirai avec qui le faire. C’est finalement un grand classique. Qui se ressemble s’assemble. Au-delà de la sympathie naturelle ou fictive qu’inspire telle ou telle personnalité politique de premier plan, la lecture du programme, les idées et les choix du passé sont forcément le socle sur lequel toute alliance peut s’établir. La simple volonté d’envisager, par exemple, une alliance entre la gauche et le centre est révélateur de la consanguinité des opinions et des programmes. Soit cela est vrai et alors il n’y a aucune raison de ne pas le faire. L’inverse serait de l’hypocrisie. Soit les idées et les propositions sont inconciliables et alors naturellement cela est impossible comme le mariage de la carpe et du lapin. Le fond emporte l'alliance.
Enfin qui est représenté par un parti ou un homme politique ? Quoi qu'on en dise on fait toujours la politique de sa base. La droite l'a bien compris avec les baisses d'impôt qui bénéficient aux catégories électorales les plus fortunées. Quand Lionel Jospin dit aux employés de LU lors de la campagne présidentielle de 2002 :''je ne peux rien faire pour vous''; il est normal que dans l'isoloir les mêmes employés se disent : ''je ne peux moi-même rien faire pour toi''. Résultat : alors que le gouvernement Jospin avait un bilan fort honorable, 83% des électeurs n'ont pas voté pour lui au premier tour de l'élection présidentielle. Incompréhensible. Conclusion : il ne faut jamais se tromper de camp. La dynamique s'est d'abord de rassembler les siens avant de s'élargir.