En sauvant le PS, les élections primaires ouvertes installent la démocratie d’opinion. A partir du moment où l’on confie aux électeurs la sélection des candidats à l’élection présidentielle, on lance un puissant mouvement : si le système fonctionne et mobilise, comme c’est logique, il tendra inéluctablement à se généraliser. Pourquoi sélectionner un candidat au palais de l’Elysée et s’interdire de le faire pour les mairies ou les présidences de conseils généraux et régionaux ? La France de gauche va ainsi faire ses débuts en démocratie à l’américaine : un parti d’électeurs, intermittent, épisodique, s’éveillant au moment des campagnes, somnolent entre-temps ; des militants confinés au rôle de techniciens d’entretien, des sympathisants tous puissants formés, informés et déformés par la télévision. Le PS ne le sait pas encore mais il va devenir un parti de téléspectateurs. C’est la victoire de l’émotion sur la raison. C’est l’effacement de la démocratie représentative, l’enterrement des corps intermédiaires. C’est l’achèvement d’une République intégralement présidentielle. D’un Consulat.
Par ALAIN DUHAMEL pour Libération