Qu’est-ce que le lumpenprolétariat ? Cette question Florence Aubenas ne la pose jamais. Et pour cause. C’est aujourd’hui comme hier le monde des travailleurs pauvres, en particulier celui des hommes et surtout des femmes qui travaillent quelques heures par semaines pour faire le ménage dans des entreprises (plus on nous fait travailler, plus on se sent de la merde ; plus on se sent de la merde plus on se laisse écraser). Pendant six mois, incognito, elle a travaillé à Caen avec pour seul bagage sa volonté de chercher un CDI. Elle raconte un monde dur, où les heures sup ne sont pas payées et des fois les heures normales également (quand j’ai téléphoné pour être payée, une secrétaire m’a dit étonnée : les périodes de test ne sont pas rémunérées chez nous, au besoin on vous rappellera), où les syndicats ouvriers ne les considèrent pas voire les ignorent mais le plus sovent les méprisent, où les patrons sont ce qu’ils sont (les femmes sont plus rentables à 20 heures qu’à 40 dans le ménage, il ne faut pas leur donner plus, de toute façon elles n’y arrivent pas physiquement), où les employées sont trop fatiguées pour se battre et à peine debout pour survivre jour après jour (c’est du donnant-donnant avec le patron, faut savoir rester en bas pour réussir), où pôle emploi devient un ex-service public caricatural, où l’entraide cependant sert de fil conducteur aux plus éveillées. On n’apprend rien de nouveau, on constate que cela a toujours existé et qu’en période de crise économique cela revient fort : Aujourd’hui on ne trouve pas de travail, on trouve des heures écrit-elle. Un livre fort qui ne fait que stimuler son appétit de justice sociale.
Florence Aubenas, le quai d’Ouistreham, édition de l’olivier 270 pages
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