Dans cette somme de plus de 800 pages c’est l’histoire d’une idée que Catherine Audard développe sur plusieurs siècles. Le sous titre de ce livre est Ethique, politique, société. Il y manque à mon avis le qualificatif de Philosophie. Non seulement parce qu’elle aborde l’idée libérale à travers les œuvres de philosophes (Hobbes, Locke, Rousseau, Hume, Montesquieu, etc) mais que la prégnance du terme et de ses racines comme de ses développements pratiques font référence le plus souvent aux idées que chaque auteur a sur la question.
Au départ il n’y a qu’un petit chemin. Celui emprunté par Hobbes (qui va poser la question originelle) sur le fait que les passions des hommes les rendent incapables de vivre en paix et qu’il faut donc une force supérieure qui les oblige à ne pas s’entretuer. Les deux alternatives sont le pouvoir absolu ou l’anarchie. Hobbes proposait le pouvoir absolu et donc la soumission pour garantir la paix civile. De là nait finalement l’idée libérale. Une de ses racines est religieuse : c’est celle de l’inviolabilité de la conscience et son corollaire la liberté religieuse développés par le protestantisme. Cet individualisme de conscience est la base, la source de toutes les autres libertés ; il aura son prolongement sur la tolérance. Rien donc ne peut outrepasser le pouvoir de se gouverner soi-même (l’individu n’appartient à personne) d’où l’idée de limiter la puissance par le droit (Locke). Vient de là, la première différence avec le républicanisme notamment de rousseau pour qui tout est politique (on est humain que par le contrat social) alors que pour les premiers libéraux tout procède d’abord de droits naturels et donc individuels. D’où le prolongement naturel du droit sur soi-même à celui sur sa vie, son travail et donc in fine, sur la propriété privée comme extension naturelle de ce droit.
La différence donc fondamentale et originelle entre le libéralisme et le républicanisme (auquel on peut greffer le socialisme démocratique) tiendrait donc à cette approche philosophique : une opposition entre le holisme social c'est-à-dire en fait le tout (la société par exemple) étant supérieure à l’individu, ou bien, le bonheur privé comme référence absolue. On imagine les débats qui s’ensuivront sur plus de deux siècles mêlant idées et pratiques politiques sous tous les régimes et tous les continents. On ne peut que constater que ce débat se poursuit encore et encore aujourd’hui même s’il arrive que l’on peut regretter qu’on le réduise à des considérations partisanes et intellectuellement réductrices. C’est un livre lourd, fort et qui mériterait d’être discuté dans toutes les écoles et chapelles politiques.
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