Cette note est rédigée à partie de trois sources. Le livre de Jean-Marc DANIEL (dette publique : un débat politique); un article de Mathieu PLANE de l'OFCE dans la revue Alternatives économiques du mois de janvier 2008; Un étude de DEXIA intitulée 25 ans de finances locales 1982-2006.
La campagne pour l'élection présidentielle de 2007 a fait surgir, une nouvelle fois, le débat sur l'endettement de la France. Dans ce cadre les quatre principaux candidats en nombre de voix obtenues in fine, eurent une approche similaire tant en terme de constat que de propositions même si l'habillage verbal a été nuancé suivant leur appartenance politique. Une chaîne de télévision publique illustra le débat en montrant un compteur sous une forme cylindrique où la dette du pays augmentait seconde après seconde. La journaliste montrait du doigt le compteur et posait une première question : avec une dette de 1 142 milliards d'euros (2006) qui s'accroît de 50 milliards par an que comptez vous faire ? Effets visuel et psychologique remarquables. La réponse fut à peu près la même pour ces quatre candidats : le niveau atteint par la dette de notre pays est insupportable et il faut absolument mettre en place une politique de réduction efficace. Finalement cette réponse a pu être considérée du registre du bon sens. Mais seulement parce que le départ de la discussion, de la problématique, était finalement mal posé. Pourquoi ?
Sans être un spécialiste des finances publiques, il me semble que trois considérations peuvent être apportées au débat.
On compare souvent l'endettement d'un particulier et celui des administrations publiques (AP), c'est à dire l'Etat, la sécurité sociale (SS) et les collectivités territoriales (CT). Or si un particulier peut s'endetter sur 20 ans ou plus les AP et notamment l'Etat peuvent être considérées comme immortelles. La notion de temps n'a pas le même sens. Historiquement, par exemple, on a pu inventer la notion de rente perpétuelle suivant laquelle l'Etat qui empruntait versait les intérêts (rente) et jamais le Capital à leurs possesseurs. D'autre part l'Etat exerce une mission particulière de stabilisation de l'activité économique. En n'ajustant pas rigoureusement ses dépenses à ses recettes prévisibles, l'Etat évite un refroidissement de l'activité en donnant des débouchés pour les entreprises. Les dépenses totales des AP en 2006 représentent 53,4% du PIB soit près de 957 milliards d'euros dont 60 milliards pour les seuls investissements (dont 44 pour les CT). Si les AP n'assumaient pas ce rôle de stabilisateur (ou contra-cyclique) la baisse de la consommation et les incertitudes entraîneraient un cycle de spirale dépressive. Cette analyse est produite par les Keynésiens qui pensent que les déficits publics, résorbés par l'emprunt et donc l'endettement, permet à l'activité économique de préserver ses débouchés et évitent également aux particuliers de thésauriser. Ce dernier point a parfaitement d'ailleurs été illustré par la baisse d'impôt de 2002 orchestré par le gouvernement Raffarin : les ménages bénéficiaires n'ont pas augmenté leur consommation mais ont massivement placé leurs économies d'impôt.
En admettant que les AP puissent être comparées à un particulier, il est important de souligner que lorsqu'un banquier prête à un particulier il se doit de regarder le patrimoine de l'emprunteur, c'est à dire l'ensemble de ses dettes au regard de son patrimoine propre. Si vous avez un solde de dettes de 100 000 euros alors que votre maison, pour laquelle vous avez fait l'emprunt, en vaut 300 000 euros, vous possédez 200 000 euros. Or pour la dette des AP, et pour revenir un instant à l'émission de télévision décrite plus haut, ce n'est pas comme cela que cela a été présenté. Bien au contraire puisque la dette annuelle a été divisée uniquement par le nombre de français (donc dette de 18 643 euros par habitant à la naissance !) et les intérêts versés (638 euros par an et par habitant). Or si on regarde la richesse totale du pays mesurée par la comptabilité nationale, on arrive à un chiffre avoisinant les 8 000 milliards d'euros. Si on y soustrait tout ce qui n'est pas mobilisable comme les biens non vendables et que l'on retient comme JP DANIEL le propose le chiffre de 30%, on arrive à une richesse nette mobilisable de près de 2 400 milliards d'euros. C'est à dire que la dette totale aujourd'hui des AP est assise sur un patrimoine de près du double. Chaque petit Français naît donc avec un capital de près de 38 000 euros ce qui n'est donc pas tout à fait la même chose (chiffrage personnel). Pour sa part M PLANE calcul sur les actifs physiques nets des AP (soit 37,8% du PIB) et retient le chiffre de 11 000 euros net par personne et conclue que chaque Français né en 2006 hérite en moyenne de 185 400 euros.
La troisième considération est d'ordre temporel. Quand on regarde l'état de la dette depuis 1815 (je n'ai pas trouvé d'autres sources) on s'aperçoit que sur une longue période historique, deux siècles, l'endettement actuel (+de 60% du PIB) est en fait à situer dans une moyenne basse par rapport à d'autres époques (1875 à 1939 par exemple). Ce qui entraîne par conséquent plusieurs commentaires. Le premier est à mettre en rapport avec la période récente. Les 30 glorieuses (1945-1975) ont été des années exceptionnelles dans l'histoire économique depuis nos origines. Or notre mémoire la conserve comme époque de référence à l'échelle humaine. Mais cela ne peut être valable dès que l'on élargit, par distanciation critique, le champ de vision car alors sur une longue période on peut considérer que nous ne sommes pas finalement si endettés que cela. Le second concerne la valeur psychologique de la dette actuelle vécue comme une faillite dans l'imaginaire populaire. Il faut rappeler que la dernière vraie faillite, due à la dette, date de 1797 soit il y a plus de deux siècles. Enfin si la dette est catastrophique, comment expliquer que les entreprises de cotation anglo-saxonne (Standard and Poor's, Ficth Ratings qui notent les emprunteurs) ont attribué une note de AAA (20/20) à la dette Française ? Si notre dette était vue aussi négativement, le marché financier n'aurait aucun état d'âme et nous serions acculés à la faillite car personne ne voudrait nous prêter un seul centime.
Ma conclusion, provisoire, sera basée sur trois remarques.
Quoiqu'on en dise l'augmentation substantielle de la dette n'est pas forcément un indicateur de performance économique. Ce n'est pas la dette qui pose un problème mais son augmentation constante sans perspective véritable de réduction ou à tout le moins de stagnation.
L'endettement de la France doit être relativisé sous le prisme de ce que j'ai écrit plus haut. La tendance aujourd'hui est à sa diabolisation qui repose certainement plus sur des considérations de politique intérieure.
Pour en revenir à la campagne présidentielle il faudrait pouvoir regarder, à nouveau, les émissions concernées. Cela permettrait de s'interroger collectivement sur la façon dont les journalistes ont mené le débat et sur les réponses des femmes et des hommes politiques. A posteriori cela nous en apprend beaucoup. Hélas ?
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